Jeudi 15 juillet 2000
Résumé:
journée galère, passage par Tana pour aller à Andasibe.


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Debout à la première heure et départ le ventre vide. Je n'ai pas encore mis le nez dehors que je suis déjà envahi par les pousse-pousse. Il fait froid, les tireurs de pousse-pousse ont des couvertures sur les épaules, ils ont probablement passé la nuit dehors sur leurs engins. Je négocie à froid le prix de la course, pour 2 km jusqu'à la station de taxi-brousse. Tarif de nuit, il fait froid, il attend depuis longtemps... j'accepte de payer le prix fort. Cent mètres plus loin on croise un taxi-brousse pour Tana,. bien sûr pas possible de revenir sur le prix de la course. Tant mieux pour lui, il a gagné sa journée en trottinant sur 100 mètres.
Après le temps nécessaire au remplissage du véhicule on part pour 170 km de bonne route, il faut ici près de 4 h. Arrivée à Tana. J'ai l'impression d'arriver à Benarès. Il y a des milliers de personnes sur les berges de la rivière. Beaucoup de couleur. De plus près, je constate qu'il s'agit des femmes du coin qui ont profité d'un rayon de soleil pour laver et surtout faire sécher le linge. J'ai tout mon temps pour observer les berges de la rivière, c'est une heure de grands embouteillages à Tana. La pollution est à son comble, à un tel niveau que chez nous on ne pourrait pas imaginer de couleur pour qualifier une telle alerte pollution.
Me voici arrivé à la gare de taxi-brousses de Tana Sud. Taxi, en 4 L dans un état de délabrement inimaginable jusqu'à la station Est. Ce n'est pas la bonne (merci au GdR !). Re-taxi jusqu'à la station Nord.
Je n'avais rencontré jusqu'ici que des malgaches sympathiques, parfois un peu trop collants comme Philippe-49. Mais ici je vais être confronté aux plus hideux et détestable de tous les malgaches. C'est un petit bonhomme hyper excité et menaçant, il se démène pour "m'aider" alors que je ne lui ai rien demandé. Il me tire par la manche, m'amène dans une gargote, hurle parce que je n'y prends pas de repas. Puis il me tire au milieu des flaques de gadoues (qui couvrent 80 pour cent de la surface de la gare routière) en m'engueulant lorsque j'évite les plus profondes (les chaussures de ce va-nu-pieds ne risquent pas de prendre l'eau). Après avoir atteint mon taxi brousse pour Antoetra je lui donne une obole ridicule histoire de le vexer, et ça marche. Je vois le moment où il va m'agresser, puis il essai de s'en prendre à mon sac à dos déjà sanglé sur le toit du véhicule. Voyant que je deviens moi-même agressif, il se casse.
Nous n'allons pas directement à Antoetra, il faut changer de taxi en cours de route à Moramanga. Les deux heures de taxi-brousse pour atteindre cette ville auront été pour moi les plus éprouvantes. J'avais toujours réussi à éviter les places avant des 504. Comme je suis le dernier arrivé, un malgache me dit que c'est moi qui dois prendre la plus mauvaise place. On sera deux sur le siège à côté de celui du chauffeur. La mauvaise place est celle du milieu, le cul sur le levier de frein à main. Comme je n'arrive même pas à m'asseoir et qu'il est plus petit que moi, il me propose de changer de place. J'accepte sans difficulté! En fait je ne serai guère mieux installé. Après quinze minutes j'ai des douleurs partout dans le dos et dans les jambes. Un vrai calvaire, deux heures à tenir.
Moramanga n'est pas une ville extraordinaire. Mais quelle délivrance! Le taxi-brousse pour Antoetra est un
vieux fourgon Renault,
d'un genre déjà en voie de disparition dans les années 60 en France. Il est presque vide, compte tenu de sa taille il va falloir au moins une heure 30 pour le remplir.
Enfin le départ. Ce petit périple va encore être des plus folkloriques. On parle souvent des réserves naturelles comme principale attraction de Madagascar. C'est faux, la principale attraction ici, c'est les taxis brousses.
La carrosserie vue de l'intérieur ressemble à de la pâte à modeler tellement qu'il y a eu de soudures. C'est presque le grand luxe puisqu'il y a des vitres. Enfin, ce n'est pas vraiment des vitres, c'est un plexiglas presque opaque à cause des rayures. Les bancs sont en ferraille soudée. C'est presque aussi confortable qu'un lit à clous. Mais je suis juste derrière le chauffeur, ce qui est fort distrayant. Il a plein de tics visibles même de derrière. A chaque changement de vitesse il doit attacher le levier de vitesse avec un fil de fer... C'est d'autant plus distrayant que mon long périple d'une douzaine d'heures touche à sa fin. Je demande à être déposé devant la gare de chemin de fer.
Après avoir dévoré les guides de Mada, bien avant mon départ, j'avais hâte de venir dormir et manger au buffet de la gare (comme au Grand Hôtel d'Ambositra il y a quelques jours). C'est indescriptible. La
gare est immense dans le style chalet Suisse
alors que tout autour fait penser au Far West. A ma descente du taxi brousse, trois maîtres d'hôtel désœuvrés me font "la haie d'honneur" avec les courbettes de rigueur. Ils portent des vestes blanches, d'un blanc un peu isabelle. Ces vestes sont sûrement très propres, mais on a vraiment l'impression qu'elles étaient déjà en service pendant la colonisation. La
salle à manger
par laquelle on pénètre est grandiose, tout est couvert de bois sombre. Je réserve une chambre à l'étage. Là encore, un superbe escalier en bois conduit à l'étage. Tout se défraîchit en se rapprochant des chambres. J'ai une certaine
répulsion en entrant dans la chambre
mais je n'y ferai vite.
Avant la nuit, je veux faire le tour du village. Je sors du côté des quais. La gare ne sert plus pour les voyageurs, mais la voie ferrée est toujours là, elle n'est plus empruntée que par quelques rares trains de marchandises. Le quai envahi d'herbes est un gigantesque terrain de pétanque. Après quelques centaines de mètres, j'arrive au village. Toutes les maisons sont en bois plus ou moins pourri, raccommodé tant bien que mal avec des tôles, c'est le Far West!
Zut ! encore la pluie. Je trouve un abri. Je suis rapidement la
cible des enfants du village.
Je vais passer avec eux près d'une heure à plaisanter. Ils me font une démonstration de leur français. Même les plus petits savent compter mais c'est pour eux comme les paroles d'une chanson. Ils sont incapables de me dire combien je leur montre de doigts sans reprendre la chanson au début. Quand à mon tour ils me font compter en malgache, je suis beaucoup moins brillant. Ils insistaient beaucoup pour que je les prenne en photo. Je sentais le piège. A force je cède. Dès le premier flash ils crient en cœur "le cadeau, le cadeau...". A part des cigarettes je n'avais rien à leur offrir. Enfin la pluie est moins forte, la nuit est tombée, je retourne au buffet de la gare après quelques provisions faites dans la gargote sur le chemin du retour.
Repas, douche froide et dodo.
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