Mercredi 12 juillet 2000
Résumé: visite du marché d'Antoetra puis randonnée de 22 km vers le village de Ifasina.

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Chouet! ici le Grand Hôtel se réveille assez tôt pour que je puisse avaler un vrai petit déjeuner. C'est fait, je vais vite à mon rendez-vous avec le guide. Peine perdue, le taxi brousse partira avec une heure de retard. C'est une 404 bâchée (les Tunisiens les appellent des 4 x 4 bâchées) dont l'arrière est rempli de marchandises de bas en haut sur la moitié de la surface. Bilan, le volume est divisé par deux... mais il va falloir y caser 15 à 20 personnes. Finalement, ayant réussi à trouver un creux entre deux sacs, ce voyage bien long pour quelques malheureux kilomètres, ne sera pas trop éprouvant... en fait, il n'y avait pas tant de monde "dans" la remorque puisque trois passagers sont accrochés tant bien que mal à l'extérieur et mon guide est sur le toit.

Nous ne sommes pas pendant la "saison des pluies" (qui rend tous les chemins de terre impraticable), c'est actuellement l'autre saison dite "saison pluvieuse". Il a beaucoup plu ces dernières semaines. Le chemin de terre qui monte à Antoetra est une gigantesque ornière. Ce qui devait arriver arriva, après une grande embardée, la voiture est embourbée. Ceux qui étaient sur ou à l'extérieur de la voiture ont eu très peur qu'on dévale le talus sur le côté. Bref, on est coincé. Tout le monde va pisser, les femmes s'accroupissent-et-pissent sur place. Ça y est tout le monde est prêt pour pousser la voiture ou enlever la gadoue avec des pelles venant de je ne sais où. Dix minutes plus tard on repart. Arrivée au village sans autres problèmes.

C'est le jour du marché. Frédier (mon guide) me le fait visiter, mais il n'y a encore presque personne. Frédier va passer trois heures à perdre aux dés le tiers de ce qu'il va gagner pour cette randonnée. Plus tard je refuserai de lui avancer davantage d'argent, car c'est certain il aurait tout perdu. Entre temps je vais avec lui acheter un poulet pour notre repas du soir. Il m'invite aussi à boire du rhum. On se retrouve dans une de ces petites maisons du village avec ses copains. Nous allons tous boire dans le même verre y compris les ancêtres. C'est d'ailleurs les ancêtres qui commencent. Ils sont apparemment cachés quelque part dans un angle de la pièce où Frédier fait couler lentement le contenu du verre. Bien sûr je suis l'attraction du coin. Par les ouvertures, la porte et une petite fenêtre, au moins une vingtaine de têtes nous observent à tour de rôle.

Je monte vers le village au-dessus du marché. Toutes ces petites maisons de bois, en principe construites sans le moindre clou, sont très typiques de la région zafimaniry. Les zafimanirys sont une ethnie limitée à quelques dizaines de milliers d'individus. Leur spécificité réside entre autres dans leur artisanat. Ils sculptent des bois précieux. Je suis bien sûr sollicité toutes les trente secondes pour acheter leurs œuvres. Je leurs promets de faire quelques achats le lendemain. Ils sont finalement bien peu pressants par rapport à ce que j'ai enduré dans d'autres pays.

Prêt à partir pour la randonnée pédestre, j'attends désespérément Frédier qui n'en finit pas de jouer aux dés. Il aura perdu le tiers du salaire moyen mensuel à Mada. Avant même de partir vers les autres villages je commence mon plongeon dans la vie locale en avalant une assiette de riz avec un bouillon de poulet dans lequel flottent quelques bouts d'os et de tendons. C'est un repas complet (ou presque) pour à peine deux francs français.

A force de tirer Frédier par le bras il se décide enfin à venir. Pour justifier ce départ tardif il me dit qu'on va marcher avec les villageois qui rentrent du marché. Il pleut depuis le matin, on va marcher quatre heures sous la pluie. Après 1 heure 30 on aurait dû atteindre le premier village, c'est là que j'apprends qu'il a modifié l'itinéraire, on va directement au second village parce que les inondations ont emporté un pont. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est à cause du départ maintes fois reporté qu'on avait plus assez de temps avant la nuit pour visiter un village en cours de route.

Comme l'avait dit Frédier, nous rentrons avec les villageois, du moins nous en voyons beaucoup passer, ils nous doublent en permanence, courant pieds nus sur des rochers, dans la gadoue. Ils vont deux fois plus vite que nous surtout parce qu'ils n'ont pas à ce soucier de la boue, ils y pataugent allègrement. Quant-à-nous pauvres "enchaussés" on fait une gymnastique incessante pour éviter les parties du chemin les plus embourbées. Peine perdue, de toutes façons nos chaussures ne vont pas tarder à faire des "scrouiiiiiiitch" à chaque pas.

A mi-chemin une bonne surprise, les jours de marché il y a une gargote qui sert diverses boissons chaudes et du riz. C'est ma tournée, café, thé, riz... coût encore dérisoire. On fume une cigarette, et on repart, on crapahute pas mal encore et toujours sous la pluie. A la tombée de la nuit on arrive au bout de nos 22 km de randonnée, le village est enfin en vue. En vue, oui, mais plutôt en ouïe. Il n'y a pas beaucoup de vazahas qui viennent ici, les enfants réservent un accueil inoubliable. Le village est perché haut sur un escarpement. Une nuée d'enfants alignés en haut chantent, ou plutôt crient "vazaha vazaha vazaha vazaha..." sans discontinuer pendant la dizaine de minutes qu'il nous faudra pour atteindre le haut de la falaise.

Nous voici dans une petite maison, première tâche enlever les chaussures et les faire sécher dans une autre case où il y a un feu de bois. Malheureusement, n'ayant plus mes chaussures je resterai coincé dans la maison sans feu. Je pense que pour un occidental, c'est très dangereux de marcher dans cette gadoue qui contient tous les excréments possibles et imaginables. Frédier profite du feu pour tuer, plumer et faire cuire notre poulet. Il me fait sa recette favorite, le poulet au gingembre. A la lueur d'une bougie j'écris quelques lignes de ce document jusqu'au repas.

On va enfin dormir, on récupère les chaussures pas vraiment sèches au cas où il faudrait aller au petit coin pendant la nuit. Au fait, ce petit coin, où est-il ? Réponse de Frédier: pour le pipi, pas de problème n'importe où, sur le rocher au centre du village, ou bien même, par la fenêtre. Pour le caca c'est plus compliqué. Il faut traverser le village... on en reparlera demain. De toutes façons j'espère ne pas avoir à y aller, car arrivés de nuit je serais incapable de retrouver la case.

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