Vendredi 22 juillet
Résumé : Vrai début du trek en pays dogon. Et Dieu dans tout ça.


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Au petit matin, première question, as-tu bien dormi ? Seck me répond « non, je n'ai fait que penser au site web que tu vas me faire ». Moi aussi, j'ai pas mal gambergé. J'essaie de le ramener sur terre, il se voit déjà monter une agence de voyage à Mopti, puis un hôtel à Sangha. Rien à faire, il est sûr que sa vie va être bouleversée.
Après le petit déjeuner on commence la visite de Nombori. C'est là que je découvre l'importance des noix de cola qu'on m'avait conseillé d'acheter avant de visiter le pays dogon. Tous les vieux, et même les moins vieux en attendent quelques-unes de la part des touristes. Avec seulement un kilo, je ne tiendrai pas trois jours ! Comme c'est le premier village, la visite est la plus intéressante. Dans les autres villages, on fera des révisions. Il y a bien sûr les mythiques greniers dogons recouverts d'un chapeau de paille, la case à palabre ou sont réglés par les vieux sages les différents entre villageois, les autels dogons barbouillés de divers liquides. On passe aussi devant la case réservée aux femmes pendant leurs règles. Il leur est interdit de se montrer dans cet état car « elles sont très sales », d'ailleurs Seck me le répète trois ou quatre fois « elles sont très sales »....
On marche en direction d'Ydeli où on prendra le repas de midi. A l'auberge d'Ydeli il y a un très bon chef cuisinier, il sait faire une dizaine de sauces, à l'arachide, à la mangue, aux dates, etc.... Malheureusement pour nous c'est le jour de la sauce à la tomate, nous avons donc le même menu que la veille mais on remplacera le riz par des spaghettis.
La pause de midi est l'occasion de parler plus précisément du site web en gestation. J'essaie de lui faire comprendre que la clé du succès c'est d'annoncer les prix, de jouer la transparence, il s'agit de monter aux touristes qu'ils en ont pour leur argent, et que s'ils font trop baisser les prix, cela revient à la limite à faire travailler le guide sans rémunération. On discute ensuite du contenu du site, de sa présentation.... Je prends quelques photos pour illustrer la page de présentation du guide. Avant de partir, le patron du restaurant m'offre un masque dogon pour me remercier du travail promis à Seck.
Je suis intrigué par la manière dont se disent bonjour les dogons, Seck me la traduit. C'est en fait une conversation, invariablement la même : - Pô (salut)
- ôd, ou séwôd (oui, comment vas-tu ?)
- séwôd ( ça va bien)
- ou mana séwôd (comment va ta famille ?)
- séwôd (ça va bien)
- gini séwôd (ça va la maison ?)
- séwôd (ça va bien)
- ou la birélé (bravo !)
- ou wôd (fin de la conversation)
Le plus souvent, cette conversation est répétée deux fois, la seconde en inversant les rôles. La prononciation diffère d'un village à l'autre. Le « séwôd » se prononce « t(sij)ao », où « (sij) » est quelque chose entre le « s », le « i » et le « j » dans la région de Dourou – Sangha.
Nous repartons vers Kombokani, Tireli et Amani. Cet après midi on va surtout discuter religion. Il me dit qu'il est musulman, je lui dis que je suis athée ce qui semble le choquer. Il me sort la litanie, si Dieu n'existe pas, d'où viennent la terre, les hommes, les animaux.... N'ayant aucun respect pour les religions chrétienne et musulmane qui par leur prosélytisme ont détruit partout sur la terre des cultures ou des traditions qui sont la richesse de notre monde, j'entreprends de le convaincre qu'on n'a pas besoin d'un dieu pour donner une réponse (partielle) aux questions qu'il se pose.
Et c'est parti, création du temps et de l'espace lors du Big Bang, l'asymétrie matière-antimatière, la création des galaxies, des étoiles et des planètes. Ensuite, l'expérience de Stanley-Miller, la différenciation des cellules, l'ADN, les mutations génétiques, la théorie de l'évolution et enfin lui, moi et plein d'autres gens. Au bout d'une demi-heure de monologue, j'avoue que tout n'était pas très clair pour moi, mais l'essentiel c'est que lui ait tout compris. Victoire ! Il conclut mon monologue par un « tu me fais douter ».
La balade se poursuit, à gauche la falaise avec les habitations troglodytiques des tellems, à droite, la plaine avec ses baobabs, les scènes bibliques de la vie des champs, au passage on visite Tireli.... mais Dieu dans tous ça ? Après réflexion il ne doute plus et m'assène l'argument qui tue. Il commence par me montrer un petit insecte rouge au sol et poursuit « Dieu existe car c'est lui qui jette sur la terre ces insectes, des crapauds, des grenouilles et des tortues pendant les nuits pluvieuses ». J'ai peine à y croire, je lui demande donc s'il les a vus tomber du ciel. Sa réponse est affirmative et sans appel. C'est donc à mon tour de douter. Dans le doute, je conseille de ne pas sortir dehors les nuits pluvieuses en pays dogon car une tortue sur la tête ça doit faire mal.
Nous arrivons enfin à Amani où la soirée est presque la copie conforme de la précédente (en particulier même menu pour la troisième fois). Il y a toutefois une différence importante, je suis le premier client de l'auberge du village, et cette auberge n'a pas de nom. Seck me demande de lui trouver un nom. Ma première idée plutôt banale c'est « Auberge Tellem » puisqu'on est en haut du village juste sous les habitations troglodytiques des tellems. Mais je n'ose pas sortir une telle banalité. Au moment de se coucher, Seck me demande si j'ai trouvé un nom. Sans conviction je lui balance ma première idée, c'est alors l'enthousiasme général. Seck qui se sent déjà grand patron du tourisme local impose ce nom à l'aubergiste.
Nuit en terrasse à la belle étoile.
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